Effets in situ du Bti et de la deltaméthrine sur l'abeille (Apis mellifera)
MM.Yp-Tcha (CG Martinique) et J. Devillers (CTIS)
L’usage d’insecticides dans le cas d’activités de démoustication/lutte antivectorielle nécessite l’acquisition de données de toxicité à court et à long termes vis-à-vis de l’abeille du fait de la présence possible de ruches dans les zones d’interventions.
Notre étude visait à proposer et à éprouver des protocoles opérationnels d'évaluation in situ des effets des opérations de démoustications sur les populations d'abeilles à l’aide de paramètres simples à mesurer et permettant de rendre compte des effets du Bti (larvicide) et de la deltaméthrine (adulticide) sur la survie des individus de la colonie, le développement des larves et le comportement des adultes. Cette démarche s’inscrit dans la perspective de la mise en place, à long terme, de méthodes de luttes antimoustiques respectueuses de l’intégrité des ruchers.
Dispositifs expérimentaux et paramètres mesurés
Le traitement au Bti (VectoBac 12AS, suspension aqueuse, 2,5 l/ha) a été réalisé par pulvérisation aérienne d'une zone humide de la commune d'Aigues-Mortes sur laquelle quatre ruchers de quatre ruches étaient disposés selon un gradient de distance. Le traitement à la deltaméthrine (Aqua K-Othrine) a été réalisé par pulvérisation, à l'aide d'un appareil nébulisateur à froid à jet projeté porté par un véhicule 4x4, sur un terrain arbustif exempt de pesticides de la commune de Sainte-Anne (Martinique) sur lequel deux ruchers de sept ruches étaient espacés de 40 mètres. Les expérimentations ont été réalisées avec des abeilles domestiques Apis mellifera L. de race connue provenant du même rucher et ayant été conduit de la même façon, donc du même apiculteur-éleveur (ADAPRO-LR et Syndicat des Apiculteurs Martiniquais). Les colonies, constituées de 3-4 cadres de couvain et de reines fécondées de moins de deux ans, étaient considérées comme homogènes entre elles en termes de population, de surfaces en couvain et de réserves alimentaires. Les colonies ont été transférées dans des ruches neuves sur les sites expérimentaux plusieurs semaines avant traitements. La répartition des ruches selon leur rucher de destination était aléatoire, c'est-à-dire sans choix délibéré en fonction de l’état des colonies. Avant les traitements et après ceux-ci, le nombre d’individus morts (i.e., ouvrières, nymphes, mâles) devant chaque ruche était relevé. Pour faciliter ce dénombrement journalier, un cadre en bois (1,5 m x 1 m) avec un fond en toile à mailles fines était placé au sol devant l'entrée de chaque ruche. Un compteur électronique d'abeilles de type Beescan® (Lowland Electronics) était installé sur une ruche de chaque rucher pour dénombrer et enregistrer les entrées et les sorties des abeilles, principalement des butineuses. L'utilisation d'une balance électronique (CAPAZ®) a permis un enregistrement en continu de l'évolution du poids d'une ruche pour chaque rucher. Des visites apicoles régulières permettaient d'évaluer les surfaces réservées à l’élevage du couvain, les stocks alimentaires et l'état sanitaire des colonies. Tout autre problème de développement, ainsi que toute modification du comportement des abeilles (agressivité, vol intense, regroupement sur la planche d’envol, tri des butineuses par les gardiennes, symptômes d’intoxication avec tremblements, mouvements désordonnés, apathie, etc.) était noté. Enfin, l’évolution du couvain de chaque ruche a été mesurée à partir de la méthode d’Oomen. Conjointement, les spores de Bti ont été dénombrées sur la zone de pulvérisation ainsi que sur les butineuses, les larves d'abeilles, le pollen et dans le miel des différentes ruches. De la même façon, pour la deltaméthrine, des analyses de résidus ont été effectuées sur les feuilles, les abeilles vivantes et mortes, les larves, le miel et la cire.
Principaux résultats
Notre étude confirme l'absence de toxicité du Bti vis-à-vis de l'abeille et a permis de déterminer la dynamique de contamination des ruches par les spores. La deltaméthrine présente une toxicité aiguë significative au niveau du front de pulvérisation, mais dans les conditions opératoires utilisées, il a été possible d'établir une distance de sécurité assurant la protection des ruches ainsi que les meilleurs horaires pour effectuer les pulvérisations. Enfin, tous les échantillons analysés ont montré une absence de deltaméthrine à la limite de détection de 5 ppb et à la limite de quantification de 10 ppb.
Remerciements
Nous remercions tout le personnel du Centre de Démoustication/Lutte antivectorielle (Martinique) et celui de L’EID Méditerranée pour leur participation active à cette étude. Nos remerciements vont également au Syndicat des Apiculteurs Martiniquais (SAM) et en particulier à son président, Mr William.
|